Le Grand Entretien : Jil Caplan
Le Grand Entretien du 20ème numéro de Vinyle & Audio : Jil Caplan.
Incandescente et durable
Comme ces stars hollywoodiennes que l’on croise dans son répertoire, elle crevait l’écran. C’était en 1987 et la musique populaire en France souffrait de bipolarité notoire.
Certes, les post new wave, la génération des filles et garçons de culture rock réussissaient à glisser des hits notoires dans le Top 50, mais Elli Medeiros, Lio, Daho, Luna Parker, Graziella De Michele, Les Rita Mitsouko devaient y voisiner avec la lie de la rengaine popu. 1987, c’est Licence IV et son tube de camping, c’est David et Jonathan, Jean-Luc Lahaye, Images, Gold et tutti quanti. Dans cet univers morne, débarque alors une quasi gamine, androgyne (l’école de la pochette de Horses de Patti Smith), féminisée par des lèvres carmin et munie d’une voix à peine voilée qui donne de l’épaisseur à sa candeur.
À Peine 21, c’est le titre en forme de pièce d’identité d’un album enregistré en loucedé avec le budget d’un single, par l’impétrante et Jay Alanski, chanteur, auteur et compositeur. Et révélateur. « Oh ! Tous les soirs » entre au Top 50, et ainsi adoubée, Jil Caplan s’arroge d’autorité une place de choix dans la chanson sophistiquée d’expression française. Un essai qu’elle transforme de façon majestueuse en 1990 avec La Charmeuse de serpents. Disque de platine, et des tubes comme « Tout c’qui nous sépare », « As-tu déjà oublié ? » et « Natalie Wood » qui revêtent la pop hexagonale d’habits griffés haute couture. Une Victoire de la musique du Meilleur espoir féminin couronne cette parenthèse de vedette, mais la jolie brune, définitivement plus héroïne de Jane Austen que poupée Barbie, toujours fidèle à son style boyish doux, n’est pas dupe de ce succès massif. Un troisième album en 1993 scelle la fin temporaire de l’aventure avec Jay Alanski qui embarque de son côté vers les rivages électroniques. Il reviendra en 2007 pour la septième offrande de Jil Caplan, Derrière la porte. Entre-temps elle s’est mis à écrire les textes de ses chansons, mais pas seulement puisqu’elle publiera aussi poèmes et chroniques. Proche de ces parangons de la pop raffinée que sont Les Innocents, elle enregistre un album produit par J. P. Nataf, puis un autre produit par J. C. Urbain. Jil Caplan ne navigue plus dans les sphères frelatées des matraquages radio et des émissions de télé navrantes où se vautrent les Bruel et les Fiori comme cochons en bauge, avec les fantoches de The Voice. Sa voix, elle l’a trouvée toute seule, en grandissant avec Dylan. Cette trajectoire, entre chanson réaliste 2.0 et folk rock de bon aloi, lui a solidifié un following d’admirateurs vrais, et toujours pas dupe du cirque médiatique, elle imagine une arborescence à sa carrière : un roman (Le Feu aux joues, 2022), du théâtre, des spectacles musico-littéraires autour de la Beat Generation, un duo, Karenine, avec Émilie Marsh, qui l’amène doucement à ce neuvième album, soyeux, entre rock nerveux et balades ouatées.
Album : Sur les cendres danser (At(h)ome)
Retrouvez le grand entretien de Jil Caplan avec Jean-Eric Perrin dans le 20ème numéro de Vinyle & Audio, chez votre marchand de journaux préféré !