Vintage story : Oasis
Oasis : définitivement rock’n’roll
Le 29 août 1994, la torpeur estivale est secouée par la sortie d’un album qui annonce le retour des guitar bands, ainsi que le futur raz-de-marée Britpop qui va balayer les charts mondiaux et confirmer la prédominance de Manchester sur la scène anglaise. La parution de Definitely Maybe (30th Anniversary Deluxe Edition), qui regroupe la version remasterisée de l’album, de larges extraits des Monnow Valley sessions jusqu’ici inédites, et des prises alternatives issues des Sawmills Sessions, est l’occasion de revenir sur un accouchement difficile.
Nous sommes en 1991. En attendant de devenir une rock’n’roll star, Noel Gallagher est le roadie des Inspiral Carpets, l’un des groupes fondateurs de la scène Madchester, avec les Stone Roses et Happy Mondays. De retour d’une tournée US, il découvre que son frère cadet, Liam, chante dans un groupe précédemment appelé Rain qu’il a renommé Oasis. Après avoir rejeté l’offre de Liam de devenir leur manager, il propose d’intégrer le groupe à condition d’en être le leader et le seul compositeur. Pour achever de les convaincre, il a cet argument imparable : « Laissez-moi écrire vos chansons et je ferai de vous des superstars, ou sinon vous pourrirez ici à Manchester. »
Oasis occupe les deux années suivantes à répéter et à jouer partout où ils peuvent, lorsqu’ils apprennent qu’Alan McGee, le cofondateur de Creation Records, auditionnera des groupes dans un club de Glasgow. Le quintet racle les fonds de tiroir et réussit à louer un van capable d’avaler les 350 km d’autoroute qui séparent Manchester de la ville écossaise. Ils vont se débrouiller pour monter sur scène alors qu’ils ne sont pas prévus au programme et jouer quatre morceaux qui ne laisseront pas McGee indifférent. Ce dernier repart avec la cassette démo du groupe, dont la plupart des titres seront utilisés sur Definitely Maybe ou sur des faces B de singles (un des rares exemplaires de cette Live Demonstration Tape s’est échangé moyennant 6 000 £ en 2016). Quelques mois plus tard, après s’être assuré de l’intérêt de Sony, qui possède la moitié de Creation, pour les Mancuniens, McGee les invite à Londres et leur propose un contrat de six albums. Six, c’est aussi le nombre de compositions originales dont dispose Oasis, chiffre que Noel va allègrement arrondir en prétendant en avoir écrites une cinquantaine qui n’attendent que d’être enregistrées.
Le premier fruit de cette signature est le single « Supersonic », dévoilé en avril 1994. Enregistré quelques mois plus tôt, dans un studio liverpuldien avec l’aide de Mark Coyle, l’ingé son de scène du groupe, ce qui n’était à l’origine qu’une maquette va se classer dans la plupart des charts européens, aux États-Unis, au Japon et au Royaume-Uni, où il s’en vendra 1 200 000 exemplaires. Une bonne opération pour le label si l’on songe que son enregistrement n’a coûté que 100 £.
Le simple suivant, « Shakermaker », qui sort en juin, connaît un sort moins enviable, et pas seulement à cause de sa médiocre performance dans les charts. Coca-Cola va en effet poursuivre Noel pour plagiat, la mélodie et une partie des paroles étant empruntées à un jingle de la marque de soda. « Nous buvons du Pepsi maintenant », ironisera Paul « Bonehead » Arthurs, le guitariste rythmique du groupe, en commentant l’issue du procès : 500 000 $ de dommages-intérêts à reverser à la partie plaignante.
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